Paru dans L'Orient littéraire le 6 Octobre 2011
Dessin de Milo Manara
Dessin de Milo Manara
Sous des piles de
bouquins, dans les sections plutôt discrètes de certaines librairies, se cachent
des cases de bandes dessinées pas toujours orthodoxes. Depuis que cette forme
d’expression est née, les dessinateurs laissent hasarder leurs crayons dans des
zones chaudes et humides de leurs fertiles imaginations. Des images couchées
noir sur blanc qui contredisent la naïveté des plus célèbres héros du genre.
Des iconoclastes qui n’ont pas froid aux yeux n’ont pas hésité à détourner nos
compagnons d’enfance. Ainsi, notre bon Tintin s’abandonne aux plaisirs de la
chair, tandis
que le capitaine Haddock est sous les jupons de la Castafiore. Gotlib n’épargne pas Le petit chaperon rouge qui s’autorise une partie de jambes en l’air avec le loup, ni même Cosette qui administre une superbe fellation à Jean Valjean. Dans un autre registre, George Lévis, auteur du sympathique Club des cinq nous fait découvrir dans Liz et Beth, des scènes d’homosexualité féminine et de ménage à trois. Pendant ce temps, Allan Moore dévoile la sexualité d’Alice dans Alice au pays des merveilles, Wendy de Peter Pan et Dorothy du Magicien d’Oz, dans The lost girls. La liste est longue et inépuisable.
que le capitaine Haddock est sous les jupons de la Castafiore. Gotlib n’épargne pas Le petit chaperon rouge qui s’autorise une partie de jambes en l’air avec le loup, ni même Cosette qui administre une superbe fellation à Jean Valjean. Dans un autre registre, George Lévis, auteur du sympathique Club des cinq nous fait découvrir dans Liz et Beth, des scènes d’homosexualité féminine et de ménage à trois. Pendant ce temps, Allan Moore dévoile la sexualité d’Alice dans Alice au pays des merveilles, Wendy de Peter Pan et Dorothy du Magicien d’Oz, dans The lost girls. La liste est longue et inépuisable.
Mis à part le détournement
des classiques, le 9ème art a toujours savouré l’érotisme et la sexualité.
L’absence de censure en Italie et la révolution sexuelle ont permis dans les
années 1960 l’éclosion d’un magnifique corpus dont les femmes sont les héroïnes.
Guido Crépax qui, d’après Wolinski, dessine les plus belles fesses de la BD,
réussit brillamment les adaptations littéraires telles que Emanuelle d’Emanuelle Arsan, Justine
de Sade et Histoire d’O de Pauline
Réage, préfacée par Roland Barthes. Magnus lui aussi ne reste pas froid à
l’élégance des femmes. Il reproduit un univers où la pornographie est
dissimulée par des corps délicats, précieux et élégants comme dans Les 110 pilules, une adaptation de la
littérature chinoise. Dans la même veine, l’incontournable Milo Manara reste
roi, avec ses nymphes aux jambes interminables, au regard langoureux, aux
lèvres pulpeuses et à la moue mélancolique. Le
déclic, une de ses œuvres les
plus célèbres, encense le fantasme masculin de domination. Les déviations
sexuelles ne sont pas en reste : Amis du bondage, Leone Frollo offre un
spectacle apetissant de corps dans des postures qui rappellent Araki. Certains
dessinateurs vont jusqu'à créer des êtres surnaturels. La bombe Druuna de Serpieri en est l’exemple le
plus éloquent. Les scénarios de ces ouvrages et les personnalités qui les
peuplent ne représentent pas toujours la complexité de l’être et ne relient pas
la sexualité au monde réel. Les femmes qui
nous sont offertes en spectacle ne peuvent être approchées que dans ces albums qui
transmettent un érotisme idéalisé d’une perfection plastique que le cinéma n’a
jamais pu atteindre.
L’inimaginable est
accessible au pays du soleil levant, où le Hentaï (manga érotique) monopolise
le tiers de la vente des romans graphiques. Écolières suaves et aguicheuses aux
poitrines cyclopéennes, monstres concupiscents, ligotages, relations amoureuses
brutales, éphèbes : Tout y est pour ébranler le plus puritain des moines.
En Europe, l’érotisme connaît un tournant avec un certain genre qui prend une
importante envergure : l’univers de la BD touche la sphère de la science
fiction et donne naissance à des œuvres intemporelles. Barbarella de Jean Claude Forest serait le premier album de BD
érotique paru en 1964 suite à sa publication en feuilleton dans V magazine. Barbarella, a des aventures
avec des machines et des robots. Jane Fonda l’incarnera au cinéma où dans une
scène culte, elle serait prise dans un engin à torture qui vient à bout de sa
victime par l’orgasme perpétuel. Enki Bilal possède l’un des dessins les plus
clairs des contemporains. Ses personnages vivent dans un monde futuriste, un genre de ville froide et métallique.
Ils sont souvent dans des positions chaudes mais atténuées par la dominance
glaciale de sa couleur de prédilection, le bleu. Moebius de son coté fignole
des images étranges ou le fantastique épouse le réel. Il affirme
d’ailleurs que « le dessin est un acte sexuel. Son grand intérêt est
d’ailleurs d’être hermaphrodite. »
Aux antipodes de cet
univers sophistiqué, Reiser amuse son public avec ses dessins cochons,
dégoulinants et lubriques, mordus d’humour et de vulgarité. Son personnage le
plus célèbre n’est autre que le Gros
Dégueulasse. Il arbore un trait tendu, précis et bestial, jeté sur le papier avec des taches de
couleur pour un effet mouillée. Bien qu’absent de la plupart des dictionnaires
de bande dessinée érotique, Jean Marc Reiser reste un des pornographes les plus
adulés de notre époque. Avec beaucoup d’audaces et de légèreté, il affiche le
premier phallus représentant Jacques Chirac sur la couverture de Charlie Hebdo. Il dessine l’homme et la
femme comme ils sont, dans des situations qui reflètent l’humanité la plus
basique. Pareil pour Wolinski, fils de la presse, brille dans cette catégorie. Dis mois que tu m’aimes affiche des
situations marrantes ou la femme est abusée par son homme en mendiant quelques
mots d’amours. D’ailleurs, un de ses albums s’intitule Je ne pense qu’à ça ! Et apparemment, il n’est pas le
seul. Les américains aussi en font fixation. Robert Crumb, est considéré comme
le père de la BD érotique américaine, et s’occupe de la production et de la
vente hors circuit de ses Zap Comix,
arborant vulves et érections. Ses héritiers dont Adrian Tomine, David Heatley,
Daniel Clowes ainsi que Charles Burns dans Black
Hole grattent toujours au delà des tabous et des stéréotypes.
La bande dessinée
contemporaine s’intéresse de plus en plus au vécu et aux expériences
personnelles. C’est le cas de Frédéric Boilet, qui étale ses relations intimes
durant ses années japonaises. Dans L’épinard
de Yukiko, on est très souvent en caméra subjective, contemplant avec lui
le corps de son amante. Sa rencontre avec Aurélia Aurita fait basculer les
rapports. Il devient le personnage de sa petite amie. Cette dernière consacre
sa carrière de bédéiste avec Fraise et
Chocolat le récit piquant, impertinent, et émouvant de ses amours et de ses
ébats avec Boilet. De son coté Craig Thompson évoque dans Blankets, son adolescence, ses conflits avec la religion et ses
premiers amours et Debbie Drechsler traite avec Daddy’s Girl son expérience incestueuse. Le sujet peut aussi être
relaté dans le récit mais pas dans l’image. Marjane Satrapi s’en délecte
racontant des Broderies les unes plus
cocasses que les autres révélant les faces cachées de la société orientale.
Suite à des époques
fluctuantes entre amis et ennemis de la bande dessinée érotique, entre
relâchement des mœurs et puritanisme, ce genre de narrations séquentielle
oscillant entre censure et encensoir eu ses moments de gloire ainsi que des
années de timidités. Nous osons penser qu’il pointe son nez chez de plus en
plus d’éditeurs. Coquins, à vos libraires!
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